Un mur élevé derrière lequel se trouve une espèce de friche industrielle avec de la rouille, de la ferraille, des réservoirs, de hautes cheminées qui ne crachent ni fumées ni rien. Tout est en lambeaux, délabré, désespéré, en ruines. On dirait que le vent a arraché tout ça quelque part pour le déposer ici.
Contre une brèche dans le mur, rafistolée à l'aide d'un simple grillage, il y a des télés appuyées, à même le sol, en plein air, à la merci de la pluie et des oiseaux qui chient dessus. Du linge pend aux fenêtres. Des caleçons, des chemises et des chaussettes flottent au vent. Il n'y a pas de balcons, mais des fils, des cordes, des supports en fil de fer, sur lesquels des vêtements sont suspendus.
Calé sur un siège qui perd sa mousse, Ourika offre son visage au soleil. A travers ses paupières mi-closes, il voit le flot des voitures qui roulent sur la voie rapide et se collent à l'asphalte comme une langue raide. On dirait un ébouli de capsules métalliques qui brillent et scintillent comme le flux et le reflux de la marée.
Pendant un court instant, Ourika se palpe la boîte crânienne, il se pince le bras, louche en direction du ciel, et il se dit qu'il est ici chez lui, qu'il est à sa place et qu'il y reste. Le tranchant, c'est ce qu'il espère acquérir, c'est ce qu'il attend de cette ville : qu'elle l'aiguise et le polisse à son gré, pour la vie ou pour la mort, peu lui importe, qu'elle l'égalise comme un galet. Alors, il posera sur sa langue le galet qu'il sera devenu et il se mettra à parler. A s'arracher à ce silence léger comme pierre.
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